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Madagascar en kimono



Au début du siècle, certains Malgaches lorgnaient vers le modèle japonais de développement. Dès 1889, le docteur Rajoaha évoque à Madagascar la voie nippone du développement. Plus tard, un autre malgache, Ravelojoana (1913)a multiplié les articles sur la stratégie japonaise pour sortir du sous-développement. Il est convaincu que les solutions nippones sont transposables d'une île de l'Océan Pacifique à sa grande île de l'Océan Indien, du Japon à Madagascar. Au moment où Ravelojoana publiait ses articles retentissants sur le Japon et les Japonais (1913, 1914, 1915) il ne serait venu à l'esprit de personne, surtout pas des colons modernisateurs, que le Japon pourrait être un bien meilleur exemple pour entrer dans la modernité que l'Europe. "Savoir qu'il y a un peuple non européen vivant dans une petite île asiatique lointaine et isolée, savoir que ce peuple, épris de progrès, a réussi en s'appuyant sur le savoir et les connaissances des Européens, une véritable révolution, voilà qui est vraiment original ; et c'est ce qui m'a bouleversé". Ravelojoana propose une voie nouvelle et inédite. Un modèle pour les peuples de culture non occidentale qui concilie Modernité et Tradition, Fidélité à Soi et Ouverture culturelle. Il présente l'exemple d'un peuple asiatique qui a su se moderniser sans perdre son âme, se développer sans renier son identité culturelle... Le Japon, voilà l'avenir culturel du continent et de Madagascar. Ravelojoana invite à passer à l'acte, à se mettre sur les traces du Japon et à accomplir une révolution Meiji. Et il interpelle : "Si les Japonais le font, les Malgaches n'en sont-ils pas capables ?" Pour Ravelojoana, la Révolution Meiji de 1868 apporte tout simplement au monde la voie universelle pour rompre avec la pauvreté absolue, tandis que la révolution française de 1789 apporte au monde la déclaration universelle des Droits de l'Homme et du Citoyen. "En résumé, écrit-il, on peut dire que les Japonais sont des gens très avancés et qui savent progresser. Actuellement, tout le monde le reconnaît. Ce qui est risible, c'est l'apparent renversement de situation : c'est en effet les Japonais que l'on a contraints il y a soixante ans à laisser les Européens pénétrer chez eux, eux qui semblent aujourd'hui presser les Européens de reconnaître qu'ils sont une grande nation. Ils sont du même rang que ces nations qui dirigent le monde". L'analyse du pasteur malgache était une vision, une prophétie. Malheureusement, on ne refait pas l'histoire. Le 24 décembre 1915, le pasteur Ravelojoana est arrêté par les autorités légales de la Grande île de l'Océan Indien. C'est l'affaire du VVS, acte fondateur de la décolonisation malgache. Car à la suite de ses articles retentissants, la crème de Madagascar, l'élite, s'enflamme pour le modèle nippon. L'administration coloniale fit un procès tout aussi retentissant au pasteur Ravelojoana et aux trois cents jeunes Malgaches convertis au modèle japonais. Ravelojoana fut condamné à perpétuité à cause d'une idée nouvelle ! Source: BOLYA, L'Afrique en kimono, Editions nouvelles du Sud, 1991 (France) Photo: Nicolas Randriamiandrisoa - Triple champion de France de Taekwondo - Champion de Madagascar - demonstration lors de Couleurs malgaches 2007 à Nantes.

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